Pendant les années 30, dans le delta du Mississippi, un jeune guitariste assez peu doué disparu quelque temps après une nuit d’excès et revint avec une maîtrise surnaturelle de son art. Pour seule explication, Robert Johnson aimait raconter qu’il avait croisé, à un carrefour, un personnage étrange vêtu de noir qui lui avait enseigné comment jouer à un tel niveau. Quelques années plus tard, Johnson mourut mystérieusement à 27 ans. Ce pacte faustien, à l’issue tragique, devait inaugurer le mythe du "Club des 27" : des artistes frappés en plein vol à cet âge précis.

Ce mythe romantique a inspiré le nouveau menu du bar Isadora : Forever 27. La carte se présente comme un élégant carnet de notes intime, dont les pages rendent hommage aux génies du "Club des 27" à l’aide d’illustrations - inspirées de la peinture de Jean-Michel Basquiat - associées à chaque cocktail. "L’inspiration pour ce thème nous est venue naturellement, tant celui-ci correspond à Isadora, à l’esprit mystérieux du lieu : un bar qui ferme tard dans la nuit, avec ses lumières rouges et où l’on se retrouve autour d’un verre pour écouter du rock Sixties" explique Charly Clain.

"J’aime, lorsque l’on propose une carte avec un thème, que chaque cocktail corresponde absolument à celui-ci. Avec Forever 27 nous avons vraiment effectué des recherches, autant sur les ingrédients que les histoires. Même si nous connaissions déjà certaines d’entre elles, il a fallu approfondir nos connaissances à l’aide de documentaires".

Si le choix d’un menu thématique induit des limites, celles-ci peuvent aussi se transformer en atout, selon Maxime Caillet :

"Les contraintes stimulent la créativité. Tu te mets des barrières, mais, finalement, cela ouvre des portes, car nous n’aurions pas eu certaines idées si nous n’avions pas mis en corrélation certains éléments entre eux. Par exemple, sur le cocktail Pennyroyal Tea, j’ignorais de quoi parlait cette chanson de Kurt Cobain. Après enquête, je découvre que c’est une tisane avec une menthe (ndla : la menthe pouliot) qui soigne les maux de ventre – dont souffrait Kurt – mais aussi avec des propriétés abortives, faisant le lien avec l’album sur lequel elle figure : In Utero. Nous avons, donc, conçu un distillat, avec Baccae, pour se rapprocher du goût du "pennyroyal", à base, entre autres, de menthe poivrée et de nepeta".

Parmi les cocktails préférés de l’équipe figure le No Jones, No Stones, un Long Drink pétillant associant gin, olives, rhum grand arôme, mangue et mix d’épices, dont les notes jouent sur les registres de la fraîcheur saline et herbacée, avec une touche de fruité.

"J’avais déjà imaginé ce drink que je souhaitais avec de l’olive, un peu salin. Le côté fruité est apporté par la mangue et le rhum Savanna Lontan que j’adore. Je savais que si j’en mettais un peu dans le cocktail, cela allait le pimper !" précise Charly.

Autre favori : le Pearl. L’idée de départ était de s’inspirer des photos de Janis Joplin sur lesquelles elle ne figure jamais sans une bouteille de Southern Comfort. Ici, le drink type Old Fashioned reprend les notes de la liqueur du sud des États-Unis, mais dans une création plus florale, et avec de la cerise. Les origines texanes de la chanteuse ont aussi commandé le choix des ingrédients, comme la tequila, les graines de tournesol toastées et les épices - en rappel de la cuisine pimentée locale.

Pearl (Janis Joplin) - Isadora, Paris

Maxime, quant à lui, confesse un goût particulier pour le Back to Black :

"Je pourrais en boire 27 (rires) ! Pour ce cocktail, nous sommes partis de l’IPA, car Amy Winehouse venait de Camden, à Londres. La fraise, quant à elle, est vraiment l’ingrédient de saison estival, fruité. J’ai essayé de trouver un moyen de marier les deux, et l’idée d’un vinaigre d’IPA est née du livre du restaurant Noma sur la fermentation. Cela a abouti à un shrub de fraise à partir de ce vinaigre. Ensuite, la recette est venue d’elle-même en se demandant ce qu’on aimerait boire en terrasse cet été : j’apprécie l’amertume, les gens boivent des Spritz… Pourquoi pas proposer une alternative avec l’eau-de-vie de gentiane et l’amontillado, en gazéifiant le tout. Je trouve que ce cocktail est fou !".
Back to Black (Amy Winehouse) - Isadora, Paris

Hormis la partie thématique, la carte propose une large sélection de classiques, conçue comme une source d’inspiration, voire d’approfondissement de la culture mixologique, pour les clients. En outre, une offre de deux cocktails vieillis en fûts est également proposée. Sobrement intitulés #1 et #2, ceux-ci sont disponibles en deux formats de 6 et 12 cl et mettent en avant des producteurs amis et soutiens d’Isadora de longue date.

À la fin du menu, des pages sont laissées blanches. Les clients sont invités à y écrire librement ce que l’inspiration leur commande, conférant ainsi, au fil des mois, une patine naturelle au recueil devenu somme d’émotions. Ressentis, recettes ou encore dessins sont les bienvenus. Nul doute qu’on y lira : "Isadora Forever !".

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Isadora Cocktail Bar : 60, rue Jean-Jacques Rousseau ; 75001 Paris
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