Un nouveau menu en prémices de celui de juin
Je viens d’arriver et nous souhaitions remettre un petit niveau de garnish, alors que la précédente carte était très minimaliste de ce point de vue. Il fallait revenir à quelque chose de plus exubérant, correspondant plus à l’ADN du Syndicat, c’est-à-dire un établissement dont l’ambition est de démocratiser les bars à cocktail et de moderniser l’image des spiritueux français de manière accessible, le tout dans une ambiance « street ».
On a gardé les cocktails qui marchaient bien et retravaillé certains autres. Notre nouveau menu s’appelle 24 Carats – l’inspiration m’est venue en jouant avec le chiffre 2024 - et c’est surtout un pré menu conçu pour amorcer la nouvelle idée de cette année où l’on va vraiment faire des garnish autour du thème « doré ». Cela donne un résultat assez ludique, avec un « effet wahou » immédiat.
En outre, le doré a pour mérite d’être - à la fois - un marqueur de notre bar, du hip-hop, et des Jeux Olympiques. Ainsi, l’on amorce notre prochain grand menu – prévu pour la seconde moitié du mois de juin - ayant justement pour thème les JO.
Menu et storytelling
J’apprécie qu'il y ait une idée derrière le menu, une cohérence ; pas nécessairement un concept appuyé, mais au minimum une histoire à raconter et c'est pourquoi on est allé dans cette direction. Cela permet également de recentrer les idées lors du processus créatif.
Bien sûr, de très beaux menus sans concept particulier existent, et cela dépend de la philosophie de l’établissement. Néanmoins, une telle approche est, selon moi, un atout.
Lors de la conception d’une carte, je souhaite que tous les goûts soient représentés. Concept du Syndicat oblige, je connais quels spiritueux sont susceptibles d’être employés, sachant que l’on peut aussi utiliser des produits qui ne sont pas nécessairement français par leur histoire, mais fabriqués en France, comme le saké Wakaze (brassé en région parisienne) ou le gin de la distillerie Baccae (Paris IV). Cela donne à voir une autre version de notre terroir, plus actuelle.
J’ai un coup de cœur particulier pour le Calvados, même si celui-ci apporte une certaine contrainte, dans la mesure où l’on se doit d’accompagner son aromatique. Typiquement, c’est le style de spiritueux qui sert de base à la recette du cocktail, et non pas celui que l’on choisit à la fin de l’élaboration du drink.
Rotation du menu
Les cartes de bars proposant un cocktail classique de l’établissement, une création emblématique, me semblent être une bonne idée. D’ailleurs, nous y réfléchissons, notamment dans l’optique de l’anniversaire des dix ans du Syndicat cette année.
J'ai lu récemment une petite interview d'un ami à Londres, lequel se demandait : faire bouger son menu en permanence, est-ce souhaitable ? Est-ce que faire de bons cocktails, ce n’est pas plutôt créer des recettes qui survivent aux tendances ? Je suis assez d'accord avec cette dernière idée.
Au Syndicat, c’est peut-être difficile de faire émerger un classique iconique, dans la mesure où les menus ont toujours été conçus selon des thèmes et des idées. Bien sûr, certains drinks ont plus marqué des époques, mais il aurait fallu que la carte soit conçue dans cette perspective dès le début. Donc, en ce qui nous concerne, c'est plus du côté de la fidélité à certains spiritueux qu'il faut voir cela.
Par exemple, dans notre nouveau menu, nous avons remis des classiques avec des spiritueux français, comme un Sazerac au Cognac et à l'Armagnac, un Pisco Sour avec de la blanche d’Armagnac ou encore le Calvados Daiquiri, dont la recette est à la fois simple et très bonne. C'est pour nous une façon d'aiguiller les clients souhaitant un classique, tout en leur proposant notre touche particulière.
Un bar international avec un ancrage local
Nous accueillons beaucoup de touristes, tout en conservant le public parisien. Il faut savoir conserver un tel équilibre entre les deux types de clientèle. C’est important d’avoir les habitués du quartier, surtout lorsque l’on essaie de défendre un concept comme le nôtre, c’est à dire rester populaire et être proche des gens.
Un bar peuplé uniquement de touristes parce que l’on est dans l'excellence de niche, c'est très bien. Cependant, ce n’est pas conciliable avec une dimension populaire et notre envie de briser les codes - avec un côté un peu « chill » assumé - tout en proposant des cocktails aux standards des bars français reconnus.
Le fait d'avoir des Parisiens prouve notre dimension également locale, et que nous n’appartenons à la catégorie des établissements que l’on visite une fois par an pour la sortie du nouveau menu.
D’ailleurs, la dimension internationale d’une partie de notre clientèle s’inscrit dans notre mission de promotion des spiritueux français. Ainsi, quand des Américains demandent un shot de tequila, nous leur expliquons que cela ne correspond pas au concept de notre établissement. En revanche, on leur propose un shot de Calvados ou de Rinquinquin pour leur faire découvrir un produit différent.
Un travail sur le sourcing des spiritueux mais aussi le no/low alcool
L’un des projets en cours est de remettre une carte de dégustations comme nous le faisions autrefois. Nous allons nous déplacer chez les producteurs, à la recherche de produits particuliers, sortant des sentiers battus, que nous appellerons « Les Pépites ».
Parmi les catégories que je trouve intéressantes à travailler, il y a la blanche d’armagnac, un produit comme le Double Jus de 30 & 40, mais aussi les eaux-de-vie, de cidre ou de fruits.
Typiquement, je n’aime pas employer des produits trop dépendants de la saisonnalité. Quand on construit un menu pour une durée de six à huit mois, l’on a besoin de régularité, d’ingrédients stables. Et là, l’eau-de-vie te permet d’avoir des goûts de fruits très proches sans être entravé par cette problématique de saison. Lorsque l’on met un bon 2.5ml, cela devient exubérant. C’est donc un vrai plus.
Cependant, l’un de nos prochains chantiers va être le développement de l’offre no/low alcool. Même si elle est déjà présente sur notre carte, cela correspond à une demande croissante de la part de notre clientèle.
Un attrait pour le bar comme expérience globale
Au Syndicat, je suis bar manager, donc ma fonction est globale. Ainsi, même si je ne suis plus en shift, je suis très souvent présent. Mon but c’est de faire en sorte que la vie du bar se passe bien. Nous fonctionnons sous la forme d’un triangle, avec Léa (NDLA : Colla) - senior bartender – dont les attributions englobent la partie marketing et image du bar, et Dimitri (NDLA : Frisetsky) qui s’occupe de la partie opérationnelle, du « day-to-day ».
J’ai débuté la nuit très jeune : à 15-16 ans, j’étais déjà dans les boîtes de nuit, j’organisais les soirées et je faisais de l’hôtellerie. Par la suite, à 18 ans, j’ai travaillé dans un bar de la rue de Lappe à faire des Sex on The Beach. Je commençais à sortir au Little Red Door, à la Candelaria et j’ai alors découvert le monde du cocktail sous un angle qualitatif. Quitte à faire des cocktails, autant qu’ils soient bons ; ce qui m’a mené au Lipstick, puis vers d’autres établissements, comme le bar Indigo by Martell à Cognac, il y a deux ans.
Cependant, je n’ai jamais été amateur uniquement du cocktail en tant que tel. En effet, si l’idée de proposer de bons drinks me tient à cœur, c’est véritablement la vie du bar dans son ensemble qui m’a séduite et continue de m’animer. Je ne pourrais pas travailler dans un établissement calme où tout tourne uniquement autour de l’expérience cocktail.
Le Syndicat : 51, rue du Faubourg Saint-Denis ; 75010 Paris